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les mots de Momo
4 avril 2016

OBJET LITTERAIRE NON IDENTIFIE

   Voilà quelques mois que ce blog n'a pas été alimenté. Pour différentes raisons qu'il serait fastidieux et sans intérêt d'énumérer. Le mois dernier, je rencontre un ami qui se désole de cette absence. Je lui promets de m'y remettre, mais... Procastination, quand tu nous tiens !...

   Ces derniers temps, pas grand chose à me mettre sous la plume. Des livres : oui. Des mauvais, des médiocres (à ce propos, une digression en forme de supplique : Messieurs et dames éditeurs et éditrices, dans vos courriers de refus, arrêtez de prétendre que "vous publiez peu"  et "êtes exigeants quant à la qualité des textes"), des moyens, des meilleurs, mais aucun qui resorte véritablement, aucune décharge électrique (tout de même, au-dessus du lot, Le Week End de Bernhard Schlink).

   Et voilà que, en début d'année, tombe entre mes mains un Objet Littéraire Non Identifié, un de ces livres qui irritent et fascinent en même temps, sans qu'il soit possible de déterminer ce qui, de l'irritation ou de la fascination, prend le dessus.

   Cet OLNI a été déniché par Forgalid, une maison d'édition islandaise, en 2012, traduit par Eric Boury (le traducteur d'Arnaldur Indridason) et publié par Métailié en 2015. Son auteur est né en 1978 et s'appelle Eirikur Orn Norddahl. Son roman s'étend sur près de 600 pages et a pour titre Illska (en Français : Le Mal).

IMG_1108

   Quand je l'ai vu en librairie, ce qui m'a frappé en premier, c'est la couverture : un paysage en noir et blanc que j'ai immédiatement identifié comme les rochers qui pointent au large du petit port de Vik, sur la côte Sud-Ouest de l'Islande. J'ai d'ailleurs retrouvé dans mon ordinateur une photo des mêmes rochers prises par mon fils lors de notre périple islandais de 2011.

Islande 2011 334

   L'histoire : irrésumable, sauf à la réduire à l'anecdote. Agnès aime Omar qui l'aime, mais elle aime aussi Arnor. Elle tombe enceinte, accouche d'un fils... mais qui est le père ?... Dis comme ça !!!... Sauf qu'Agnès prépare une thèse sur l'extrême-droite contemporaine. Sauf qu'Arnor est un néo-nazi qui ne ressemble pas à l'image que l'on se fait habituellement de ce genre d'individu. Sauf qu'Agnès est Lituanienne et la rejetonne d'une famille à l'histoire tragique. Sauf que... et je pourrais continuer longtemps sur ce mode anaphorique. Bref, le récit se balade d'Islande en Lituanie, de l'époque contemporaine marquée, en Islande, par la crise bancaire de 2008 à la Lituanie de 1941 lorsqu'y pénètrent les troupes allemandes... Se balade est bien le terme car tout s'y bouscule : les lieux, les personnages, les points de vue, la chronologie.

   J'avoue que j'ai commencé le livre en janvier et que, au bout de la première partie (il y en a quatre), je l'ai abandonné. Deux mois plus tard, tout me restait en mémoire (alors que certaines lectures s'effacent si rapidement !). C'était un signe. J'ai remis l'ouvrage sur le métier. Cette fois-ci, je suis allé jusqu'au bout.

   Alors oui, on peut être irrité par l'abondance de détails, de digressions qui ralentissent le rythme. On peut être excédé par le montage alterné : un chapitre-roman / le suivant-récit historique ; un chapitre en Islande / le prochain en Lituanie... et à l'intérieur des chapitres : un paragraphe sur les tourments d'Agnès et Omar / le suivant sur les pensées de l'enfant (un bébé)... Et ainsi de suite. Original au début. Très vite, ça tient du procédé, du système quelque peu schizophrène.

   Alors oui, on peut être fasciné par l'imagination débordante de l'auteur, par le nombre et la consistance des personnages, par la diversité des points de vue, par l'immense culture d'un auteur si jeune, par sa capacité à tenir tous les fils d'un récit complexe et tous azimuts, par les styles qui s'enchevêtrent.

   Mais, au-delà du récit, de l'histoire, il y a l'Histoire, une réflexion sur l'idéologie, une analyse du populisme, une démonstration de cette "banalité du mal" mise en avant par Hannah Arendt. Il se passe des choses terribles dans les pages de ce bouquin, dans la Lituanie des 1941, des  choses horribles qui ne relèvent pas que de l'Histoire, mais aussi de l'actualité la plus brûlante, des choses abominables dont on pensait que jamais elles ne se renouvelleraient. Et pourtant ! Ouvrons les yeux. Regardons autour de nous : nombrilisme, repli sur soi, nationalisme, construction de murs (Berlin 1989 - 17 ans à peine - l'oubli est un bolide !), xénophobie, mépris (euphémisme) envers l'étranger, haine, méfiance généralisée, peur face aux migrants, décervelage, inculture... Lisez la deuxième partie : Jubarkas, le village de Lituanie d'où vient la famille d'Agnès, ses Juifs, sa milice, l'armée d'occupation, le silence, la lâcheté... Tout y est. Et ce n'est pas que du roman.

   Alors oui, même si des aspects du livre m'ont irrité,  si tout n'est pas parfait, bien obligé de reconnaître qu'au-delà de cela, il y a ce qu'on appelle un écrivain.

   Post Scriptum (qui n'a rien à voir) : les petits ruisseaux finissant parfois en plus grandes rivières, si cet article vous a intéressé (pas obligé d'être d'accord. Vive le débat !), signalez-le à vos amis, vos contacts, etc... Cela permettra à ce blog de vivre plus régulièrement. Merci !

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Commentaires
E
Je suis en train de lire ce livre : étonnant, déstabilisant, perturbant... mais écriture formidable et intérêt toujours renouvelé.<br /> <br /> Plus à dire quand j'aurai terminé...
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M
Partager avec des amis (qui lisent, EUX!) ? C'est fait, Momo!
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les mots de Momo
  • Il s'agira de donner des avis sur des lectures et sur des événements culturels en général. Mais des éléments portant sur l'actualité ou sur des voyages ne seront pas oubliés. Le tout, si possible, avec de l'humour et de l'humeur.
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