PAS PLEURER 2 - HEP ! HEP ! HEP !
Revenons à la littérature.
Pas Pleurer, c'est le titre d'un livre dont je voulais parler. Dernier Goncourt. On ne peut pas dire que je fasse dans l'originalité. Lydie Salvaire écrit un roman qui n'en est pas tout à fait un. Double (voire triple) récit :
- Celui de la narratrice (l'auteure ?).
- Celui de sa mère dont les souvenirs se sont estompés à l'exception de ceux liés à la période 1936 - 37 en Espagne (Catalogne pour être précis), son pays, rapportés dans un sabir franco-espagnol extrêmement savoureux. Coup d'état de Franco, déni de démocratie, réflexion sur le pouvoir, la liberté. Lydie Salvayre ne peut s'empêcher de suggérer des rapprochements avec la réalité d'aujourd'hui, la dangerosité d'idées qui se banalisent.
- Mais c'est aussi le récit de ce que, à la même époque, Georges Bernanos, qui se trouve à Palma de Majorque, constate comme massacres. Lui, le chrétien plutôt réactionnaire, s'insurge contre la bénédiction donnée par l'Eglise à ces carnages. Lui, le chrétien à tendances maurrassiennes, dont le fils s'est enrôlé dans la Phalange, se met en danger en prenant publiquement position contre la dictature, contre l'implication de la religion catholique, sa religion. Il en résultera Les Grands Cimetières sous la lune... que je n'ai jamais lu, mais que Pas Pleurer me donne envie de lire.
Un Goncourt judicieux (pas sûr que ce soit toujours le cas !) qui éclaire notre aujourd'hui par un passé pas si ancien que cela.
Un autre livre dernièrement lu : Epépé de Ferenc Karinthy, écrivain hongrois. Publié en 1970 (le bloc de l'Est est encore un bloc et la guerre froide bat son lein), traduit chez Denoël en 1999, Zulma le reprend aujourd'hui.
C'est la drôle d'aventure arrivée à Budaï, linguiste, polyglotte, érudit. Il s'envole de Budapest pour assister à Helsinki à un congrès scientifique. Par il (et donc par "on") ne sait quel mystère, il atterrit dans une ville inconnue où une foule toujours dense, toujours pressée, parle un langage qu'il ne comprend pas et que, malgré ses efforts, il ne parvient jamais à décrypter. Le voilà complètement perdu, rien à quoi ni à qui se raccrocher, sinon une jeune femme, celle qu'il nomme Epépé - mais qui ne s'appelle sûrement pas comme cela. Pauvre Budaï plongé en pleine Absurdie.
Absurdie, Hongrie des années 60, régime autoritaire : il y a du symbole là-dessous.
Encore une fois, et je m'arrêterai là, ce n'est pas loin de nous.