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les mots de Momo
15 mai 2013

HANNAH REVIENS !

Intituler un film Hannah Arendt, il fallait oser. Margarethe Von Trotta l'a fait !

Pour mémoire, Hannah Arendt est cette philosophe (encore refusait-elle de se définir comme telle) juive allemande, exilée aux Etats-Unis, qui, en 1961, couvrit pour le New Yorker le procès d'Adolf Eichmann et en tira un livre : Eichmann à Jerusalem et un concept qui fit / fait grand bruit, celui de la banalité du mal.
Ce qui l'avait frappée, c'est la médiocrité de ce personnage dont le système de défense consistait à répéter qu'il n'avait fait qu'obéir aux ordres, qu'il s'était contenter de respecter les lois qui étaient alors en vigueur dans son pays. Elle en tirait la conclusion, non pas que tous les monstres étaient au départ des hommes ordinaires, mais que tout homme ordinaire, placé dans certaines circonstances, certains contextes, pouvait se transformer en monstre.

Il n'est pas question, ici, de m'ériger en critique de cinéma. Simplement de mettre le doigt sur deux ou trois choses en marge du film.

Hannah Arendt met en avant la primauté de la pensée qui permet de ne pas se comporter en mouton, mais de s'opposer y compris, et surtout, aux idées communément admises, à la doxa du lieu et de l'époque. C'est la pensée qui définit l'humain. Eichmann, dit Hannah Arendt, ne pensait pas. Un des buts des nazis dans les camps de concentration était d'annihiler la pensée. Ainsi les prisonniers perdaient leur humanité. Paradoxal rapprochement entre le bourreau et ses victimes qui sera reproché à Hannah Arendt, sauf que dans un cas la servitude est volontaire; dans l'autre elle est imposée par la force.

Dans une scène du film, Hannah est au chevet de son ami Kurt, sioniste allemand dont elle s'est idéologiquement éloignée, qui s'est installé en Israël. Il lui reproche, en tant que juive, de ne pas aimer son peuple. Elle lui répond qu'elle n'aime pas un peuple, mais qu'elle aime ses amis.

Aujourd'hui encore, ces deux éléments ouvrent des abîmes de réflexion. Au moment où des événements, comme ceux commis par les ultras décervelés du PSG et les moutons bêlants (mais agressifs) qui les suivent, défraient la chronique, on ne peut qu'affirmer l'importance de la pensée. Au moment où les nationalismes se réveillent, où les replis communautaires se généralisent, il est bon d'affirmer que l'amitié n'a pas de frontière, que ce n'est pas parce que untel ou unetelle est, comme je le suis, blanc, français, breton... qu'il est plus fréquentable que bien d'autres qui ne sont rien de tout cela.

On est loin du film ? Pas tant que cela !...

Et une dernière remarque à propos de la banalité du mal. Un procès a eu lieu au Cambodge, celui de Douch, responsable du S21, le camp de prisonniers dont quasiment personne n'est ressorti vivant pendant les presque 4 années de dictature des Khmers Rouges. Sa défense a été point pour point ou presque la même que celle d'Eichmann : lui aussi ne faisait qu'exécuter les ordres. Lui aussi ne faisait qu'obéir aux lois de son pays.

Lui aussi était un homme ordinaire !

 

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  • Il s'agira de donner des avis sur des lectures et sur des événements culturels en général. Mais des éléments portant sur l'actualité ou sur des voyages ne seront pas oubliés. Le tout, si possible, avec de l'humour et de l'humeur.
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