COMPOTE DE COMPLOTS

                    Alors que Pfizer, casaque étoilée, tient la corde, Moderna, toque bleue, le suit et s’apprête à le rattraper tandis que Sanofi, jusqu’ici distancé, revient du diable-vauvert. Mais Spoutnik, casaque rouge et blanche ainsi que le Chinois, reconnaissable à sa chasuble frappée de la faucille, du marteau, du pangolin et de la chauve-souris restent dans la course…

            Ainsi va le monde. La course aux vaccins est lancée. A qui aura le plus efficace le plus rapidement. Les gouvernements, le nôtre entre autres, semblent suspendus aux résultats de cette compétition. « Tant qu’on n’aura pas de vaccin » (l’adjectif « fiable » est en option) ; ce type de propos est répété en boucle par les bouches dites autorisées.

            Mais quid de l’accueil qui sera réservé à ce vaccin-miracle ? Je ne vais pas ici répéter ma chronique de la semaine dernière, mais prenez les anti-vaccins chroniques, ajoutez-y les gens simplement méfiants face à une si inhabituelle rapidité, vous obtenez une bonne moitié de la population qui ne veut pas ou, à tout le moins, hésite à se faire vacciner. Or pour que cela fonctionne à plein, il faudrait bien plus que cette moitié. Ne pas oublier que le vaccin a pour fonction de protéger celui à qui on l’inocule. Ce faisant, il diminue les risques de propagation des virus. Ce faisant il protège aussi les indécrottables réfractaires.

            J’écris cela et je sais que ça ne sert pas à grand-chose. Parce que, j’oubliais, il y a BigPharma, cette hydre qui menace l’humanité. Pour résumer : les laboratoires pharmaceutiques, détenus par Bill Gates et consort, ont pour but de contrôler l’humanité entière, voire d’éliminer les pauvres (il est vrai que la COVID ne tue pas… ou, soyons cynique, pas assez !) en leur injectant, en plus du vaccin si honni, une puce dans l’ARN (ou l’ADN, contrairement à bien de mes contemporains je ne suis pas un spécialiste) qui permettrait de tous nous manipuler. Et je n’oublie pas la 5G, dont je ne vois pas bien ce qu’elle vient faire là-dedans, qui participe au grand complot mondial des riches contre les pauvres, etc.

            On me dira que je caricature. Je crains, hélas, que pas vraiment. D’accord ! Les labos sont des entreprises privées, capitalistes, dont le but premier est de générer des profits. D’accord ! Les recherches qu’elles effectuent ne sont pas désintéressées. D’accord ! Certains peuvent avoir des visées peu compatibles avec l’éthique. Bien sûr !... D’ailleurs qui prétend que leurs dirigeants sont des philanthropes ? Reconnaissons en toute objectivité que ces mêmes labos ont, depuis plusieurs années, à leur actif, la mise au point d’un certain nombre de médicaments… et de vaccins… efficaces. A 100 % ? Non : dans le monde réel l’idéal n’existe pas. Alors, trop facile d’isoler des cas avérés, on en trouvera toujours, et de les transformer en généralité. Vision d’un monde binaire qui, pour reprendre une terminologie trop entendue, serait divisée en « axe du mal » et « axe du bien ». Un monde où il n’y aurait que du noir et du blanc, sans passer par les plus de cinquante nuances de gris…sans oublier la couleur.

            Combien de pots de compote peut-on faire avec un fruit comme le complot ? Beaucoup sans doute… Voilà une attitude qui se répand comme une traînée de poudre dans une société qui perd ses repères (et les incohérences, contradictions, hésitations, tergiversations venues d’une sphère pour laquelle gouverner devrait être prévoir l’ encouragent). Il est inquiétant de constater comment certaines déclarations, les articles d’une certaine presse (là encore, ne pas généraliser et accuser « les medias » ou mieux « les medias mainstream ») aiguisent cette atmosphère délétère, anxiogène et, de ce fait, aiguisent également le complotisme qui par son simplisme (oui / non ; noir / blanc ; pour / contre, etc) attire les esprits déboussolés.

            Par curiosité, je suis allé voir quelques vidéos de ce type. Presque toutes suivent un schéma identique et commencent par « On vous ment ». Questions : Qui est ce « on » ? Pourquoi « vous » et pas « nous » ? Les réponses sont dans l’assertion qui suit « Je vais vous dire la vérité ». On a compris : « on » est tout ce qui n’est pas « je », soit, au choix ou tous dans le même panier, les journalistes, les politiques, les intellectuels, les voisins qui ne pensent pas comme moi… bref « les élites », concept flou où chacun met ce qu’il veut pourvu que ce soit pas « je » (sous entendu « le peuple », concept tout aussi flou). Quant au « vous » parce que, bande de minus habens, « je », lui, a compris (ferait-il partie de l’élite intellectuelle ?). Il a beaucoup lu, il s’est énormément documenté pour ne pas être, comme vous, un « mouton » (mot fétiche dans ce milieu). Et quelle est cette « vérité ? La sienne, bien évidemment, confortée par toute sa documentation. Surtout, ne lui parlez pas des « biais de confirmation », ce processus  qui fait que chacun va chercher - et quand on cherche on trouve  - ce qui va dans son sens, le détail qui prouve… car pour lui, le plus petit détail fait sens. Pour lui… pas pour les moutons.

            Dans ce chaos contre lequel ya pas de vaccin, si vous avez du temps à perdre, essayez de discuter, de débattre, de faire appel à la raison ; vous ne serez pas écouté. Dans un monde binaire, soit j’adhère à ce discours et je suis indubitablement complotiste, soit je critique, même partiellement, et je fais partie du complot. Pas d’alternative. Du pour, du contre, du oui, du non, du noir, du blanc.

            Pessimisme ? L’effet de près d’un mois de confinement, de ne pas savoir de quoi demain, après-demain sera fait, de ne pas pouvoir se projeter, d’avoir le sentiment d’être coincé ?… Que nenni ! Foutaises que tout cela !... Vendredi dernier, vaccin anti-grippe (maximum 60 % d’efficacité). Maintenant que j’y pense, le sourire en coin du pharmacien qui me l’a fourni, celui de l’infirmier qui me l’a injecté, le portrait de cet homme dans le cabinet : Bill Gates certainement ! Le produit d’une drôle de couleur dans la seringue… Le doute n’est plus permis !

On m’a menti !!!

Je vais vous expliquer…