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les mots de Momo
7 avril 2020

AUX CONFINS D’UN MONDE - 3

 

Semaine 3

 

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                C’est le 9 mars au matin qu’il a déboulé sur notre pelouse. Depuis trente ans que nous habitons notre maison jamais nous n’avions vu un écureuil dans le secteur. Depuis ce lundi 9 mars, il y a eu confinement et, par trois fois, je l’ai aperçu au moment du petit-déjeuner. La première fois ce fut juste une furtive boule rousse courant sur la terrasse. La deuxième, par la fenêtre de la cuisine, sur le mur qui sépare le jardin du trottoir, juste au-dessus du précoce muguet printanier, il a fait son petit tour, regardé autour de lui, est reparti à gracieuses gambades. La troisième, c’était ce matin, de nouveau sprintant sur la terrasse. Est-ce la nature qui reprend le dessus ? Qui se venge, avancent certains ? Est-ce le simple fait du hasard ?... Ne comptez pas sur moi pour tirer d’un fait isolé des conclusions définitives. Après tout, il y a bien vingt ans de cela, alors que nous n’imaginions même pas qu’un virus pourrait venir nous importuner, c’est un jeune sanglier qui avait semé l’émoi dans le lotissement.

Quant aux oiseaux, oui, ils sont toujours là. Je les vois, je les entends, peut-être un peu moins, peut-être un peu moins fort aux heures matinales. Impression ? Surdité naissante (effet de l’âge !) ? Hasard ?...

            Le même hasard qui m’a fait entendre à la radio, alors que j’étais sous la douche, le début d’une interview de Marc Dugain ? J’avais commencé un de ses romans, L’Insomnie des étoiles. Début 1945, Sud de l’Allemagne, un officier français, cantonné dans une petite ville alors que les troupes alliées remontent vers Berlin va, au bout d’une enquête dont je vous laisse la primeur, découvrir comment la « maison de convalescence » du secteur, en réalité une sorte d’hôpital psychiatrique, a été dès le début du conflit vidé de sa population de bouches inutiles. De Marc Dugain, j’avais lu il n’y a pas si longtemps Une exécution ordinaire d’où a été tiré un film éponyme avec un Dussolier-Staline aussi patelin qu’effrayant et une Marina Hands-Anna, urologue et magnétiseuse, secrètement chargée de calmer les douleurs à la jambe du dictateur. Mais ce film ne reprend que la première partie du roman dont la trame s’appuie sur la tragédie du Koursk (rebaptisé Oskar chez Dugain), ce sous-marin russe qui, à l’issue d’un exercice en août 2000 ne remonta jamais à la surface, à son bord 118 marins confinés, piégés. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que la littérature entrait parfois en résonnance avec notre actualité toutefois moins exacerbée : confinement, enfermement : on commence à connaître (même si l’issue sera moins dramatique) ; choix de ceux qu’on ne soignera pas, de ceux qu’on laissera à leur sort : on commence à l’entendre (même si la décision est davantage pragmatique qu’idéologique). Il y a des coïncidences qui font froid dans le dos.

            Mais revenons à plus de prosaïsme. Le week-end passé, début des vacances de printemps, en particulier dans l’académie de Toulouse. A cette occasion nous avions rendez-vous avec notre fille et ses deux enfants à Nantes. Deux jours en perspective à sillonner la ville des Ducs de Bretagne et de Jules Verne avec la perspective de grimper sur le dos mécanique de l’éléphant aux Machines de l’Ile. Nous nous en faisions une joie ainsi que de récupérer nos deux petiots pour la semaine… Partie remise. En attendant, merci aux outils numériques qui permettent de rester en contact avec ceux que l’on aime.

            A la maison, sur la poubelle, sur la boîte à lettres, nous avons écrit un petit mot pour remercier et souhaiter bon courage à ces petites mains qui font que les déchets ne s’entassent ni ne pourrissent, qui délivrent notre courrier, qui nous déposent le journal tous les matins. Peu de choses. De la solidarité à peu de frais railleront certains. N’empêche, sur une enveloppe la factrice (pardon ! La préposée !) a écrit un mot de remerciement comme quoi cela lui allait droit au cœur. Comment lui répondre que son petit mot nous va également droit au cœur ?

            Les Invisibles, c’est le titre d’un film. Les Invisibles, c’est aussi un terme qui peut désigner tous ces travailleurs de l’ombre, ceux à côté desquels, d’habitude, on passe sans à peine remarquer qu’ils sont là. Aujourd’hui, ce sont ces invisibles (le terme n’a rien de péjoratif) qui sont sur le devant de la scène. C’est eux qu’il faut mettre en lumière, eux qui travaillent afin que tout le monde puisse continuer à vivre, eux qui prennent des risques quotidiens. Alors, excusez-moi si j’enfonce des portes ouvertes, mais il vaut mieux les enfoncer encore et encore pour éviter qu’elles se referment très vite une fois la pandémie derrière nous. Assez de ces libéraux (néo ou pas), de ces « premiers de cordée » dont on attend vainement le ruissellement, qui lorsque tout va bien, pour eux, vitupèrent contre l’État, contre l’Europe, ces pelés, ces galeux qui les étouffent sous des directives et les étranglent par leurs impôts et autres taxes. Aujourd’hui ce sont eux qui, sans vergogne, réclament à cor et à cri l’aide de ce même État, de cette même Europe ; eux qui leur reprochent leur manque d’anticipation, leur frilosité financière ; eux qui aimeraient bien que la dépense publique (les impôts dont ils s’affranchissent dès qu’ils le peuvent) vienne à leur secours. Se seraient-ils soudain convertis au socialisme, au communisme ?... Que diront-ils, comment agiront-ils, une fois la menace passée ?... Moment de vérité !

            Un autre livre me revient en mémoire : une enquête menée en 1992 - époque Thatcher - à Londres, Glasgow et Dublin par Robert MacLiam-Wilson. Ce livre, peut-être encore disponible (Point – Le Seuil), s’intitule Les Dépossédés. Il y est déjà question du trickledown, version originale du ruissellement, et de son inefficacité. Dépossédés, invisibles, peu importe le terme, ce sont eux, employés de magasins, d’administration, artisans, routiers, éboueurs,    etc. (liste non exhaustive) qui font tourner la machine, sans oublier les soignant(e)s (en toute première ligne), les enseignants (qui ne ramènent pas leur fraise), la fonction publique, les si décriés fonctionnaires… Bref tous ces gens si indispensables à la nation et si mal payés. Un jour il faudra sans doute reconsidérer les salaires selon l’utilité sociale. Pourquoi un infirmier, une infirmière, un(e) aide-soignant(e) (liste non exhaustive) à peine au SMIC et un footballeur (ce n’est qu’un exemple), quel que soit son talent, à plusieurs millions par mois ? Notre société marche sur la tête et ça fait mal au crâne.

            Utopie ? Oui, sans doute, mais combien d’utopies n’ont-elles pas fini par s’imposer comme des réalités ? Utopie nécessaire si on veut éviter que le déconfinement se transforme en déconfiture.

            Et pendant que je déblatère, le muguet de notre jardin fleurit.

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A la semaine prochaine. En attendant prenez soin de vous.

Je vous embrasse… virtuellement.

 

 

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