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les mots de Momo
28 avril 2020

AUX CONFINS D'UN MONDE - 6

Semaine 6

Nous en sommes au 43ème jour de confinement. Plus que le Ramadan qui débute (28 jours, un mois lunaire). Davantage que le carême chrétien (40 jours). Je n’ose même pas imaginer ce que ces 43 jours ont pu être dans un appartement exigu avec, parfois, des enfants. Les privilégiés, groupe auquel j’appartiens, bénéficient de plus ou moins grandes maisons entourées de plus ou moins grands jardins. Eh bien ! Malgré cela, au bout de 43 jours, s’occuper demande de l’imagination, surtout lorsque la météo se met à assombrir le ciel et à déverser une pluie qui détrempe la terre. Reconnaissons qu’elle en a besoin. Dans ces moments-là plus que dans d’autres, je bénis ceux et celles qui m’ont donné le goût de la lecture.

De ces lectures, je retiens un recueil de trois textes, mi-nouvelles, mi-scénarios du cinéaste Krzysztof Kieslowski publié en Pologne en 1998, édité chez nous par Actes Sud en 2001. Son titre : Le Hasard et autres textes. Dans les quelques pages du Hasard, le jeu consiste à donner une version d’une histoire puis d’en décliner les autres développements possibles si le hasard avait fait qu’un élément déclencheur du récit soit modifié. Et si au lieu de telle chose, il s’était passé autre chose. On peut ainsi décliner des histoires à l’infini. Paul Guimard le fait aussi dans L’Ironie du sort. 1943, Antoine s’apprête à tuer le lieutenant Werner qui menace de faire tomber le réseau de résistance auquel il appartient. Ou tout se déroule comme prévu, Werner quitte son bureau à l’heure habituelle, monte dans sa voiture et suit son itinéraire quotidien et le réseau est sauvé ; ou la voiture du lieutenant a du mal à démarrer voire ne démarre pas du tout… Le hasard des caprices d’un démarreur peut changer bien des choses.

Le hasard. C’est tout de même lui qui a fait que, du côté de Wuhan, un innocent pangolin a rencontré une chauve-souris. Lui qui a fait que ce pangolin a été contaminé, puis capturé, vendu, cuisiné, consommé, avec toutes les conséquences que nous subissons aujourd’hui. On aura beau dire « Et si… ». Hélas ! La vie n’est pas un roman.

Le hasard, c’est aussi lui qui, alors que je cherchais mon vieil exemplaire de La Peste d’Albert Camus que mon épouse voulait lire, m’a fait mettre la main sur mon tout aussi vieil exemplaire (1972 – éditions Folio) de Le Hussard sur le toit de Jean Giono dont j’ai dit quelques mots la semaine passée.

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 Les livres (mais cela vaut aussi pour d’autres œuvres d’art) je peux les classer en deux catégories : ceux que l’on lit et qu’on oublie rapidement ; ceux qui laissent une marque quasi-indélébile, soit qu’ils sont si mauvais que rien que d’y penser une irrépressible envie de rire (jaune) nous submerge, soit qu’ils sont si bons que bien des années plus tard ils sont encore présents à notre esprit. Le Hussard sur le toit appartient indéniablement à cette dernière catégorie. Lu dans les années 70, jamais ouvert depuis (mais vu le film il y a 25 ans), je l’ai repris récemment. Il serait faux de dire que je me souvenais de toutes les péripéties, mais il m’en est resté une image globale que ma nouvelle lecture revivifie. Rappelons l’argument de ces quelques 500 pages : Angelo, jeune colonel de hussard du Piémont, traverse le Sud de la France cet été 1832 où le choléra sévit. A Manosque il se réfugie sur les toits, d’où le titre du roman. Suite à ma dernière chronique une amie m’écrit : « J'ai un souvenir étrange de la lecture du Hussard sur le toit que je dévorais dans le métro parisien et qui parfois me soulevait le cœur jusqu'à la nausée tellement ça paraissait réaliste. » Il y a effectivement des descriptions d’agonies sous une chaleur accablante qui peut amener le cœur d’une âme, même peu sensible, au bord des lèvres « C'était une chouette expérience ! », conclut assez drôlement mon amie.

Rassurez-vous, je ne vais pas vous asséner un cours de littérature. Juste deux remarques :

-          A la fin du chapitre 8 Angelo rencontre un jeune garçon qui, tout en le guidant, débite tout ce qu’on appellerait aujourd’hui fake news, on-dits, rumeurs, légendes, remèdes soi-disant miracles dont un qui « a guéri des quantités de gens et, surtout, ce qui est parfait, c’est qu’il protège à l’avance ». Il ne s’agit ni de chloroquine ni de nicotine, mais de « messes spéciales » dites par un « vieux curé ».

-          Angelo, sur les toits de Manosque, « pouvait voir distinctement les toitures agencées les unes sur les autres comme les plaques d’une armure. ». Plus loin, il est question de « la peau des tuiles » et à deux reprises par la suite de « l’écaille des toits ». Je ne sais pas vous, mais moi, cette armure, cette peau, ces écailles, me font irrésistiblement penser à un animal ainsi protégé, genre tatou ou…  

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                                                           …pangolin…

… et par association d’idées, le pangolin me ramène à celui qui, il y a des années de cela, m’a fait découvrir l’existence de cet animal, à savoir le très regretté Pierre Desproges qui, dans un livre, décrivait l’animal comme ressemblant « à un artichaut à l'envers prolongé d'une queue à la vue de laquelle on se prend à penser que le ridicule ne tue plus” et, un an plus tard, lui présentait ses excuses dans un sketch qu’il est très facile de retrouver sur internet en ce moment.

Le hasard. Ou plutôt une chaîne de hasards : le pangolin rencontre la chauve-souris ; pour son malheur, et le nôtre, le pangolin rencontre l’homme ; il lui transmet un virus ; qui se diffuse ; qui entraîne le confinement ; qui me permet de redécouvrir le livre de Giono ; dans lequel mon esprit souligne quelques mots ; qui me ramènent à Pierre Desproges et au pangolin. Du pangolin au pangolin, la boucle serait bouclée ?... Ce serait penser qu’on en revient au point de départ. Or, ce genre de cercle ne se referme jamais vraiment sur lui-même. L’image la plus appropriée serait celle d’une spirale, toujours ouverte. Et quid de la chauve-souris ? Il faudrait vraiment le plus grand des hasards pour que je tombe sur les aventures de Batman.

Le hasard. Alors que nous marchions dans le lotissement il y a de cela une dizaine de jours, il a mis sur notre chemin notre ami l’écureuil qui se précipita dans un jardin voisin, y grimpa au premier arbre venu pour échapper au monstre qui le poursuivait (un chat). Aux dernières nouvelles, il a échappé à ses griffes : vendredi dernier, alors que je savourais mon petit-déjeuner, il m’a fait lever la tête au moment où il traversait de nouveau la terrasse.

 Ah ! Pour terminer, on m’a signalé à au moins deux reprises que ce qui fait rouli-roula dans le panier que la fermière a sur la tête ce sont des pommes et non des œufs comme je l’ai écrit (chronique n°5). Dont acte. Amende honorable. Nobody’s perfect !

 Quant à vous, prenez soin de vous.

Je vous embrasse… virtuellement.

 

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