PETIT ELOGE DE LA NOUVELLE
Une petite anecdote personnelle pour commencer si vous le permettez. Il y a une quinzaine de jours de cela, je suis chez des amis dans la région d'Apt. J'ai avec moi un recueil de nouvelles publié en décembredernier aux Editions de la Rue Nantaise intitulé Amarille.
La première nouvelle, celle qui donne son titre au recueil, se déroule dans les ocres de la région. En délégation, nous allons proposer à la principale librairie de la ville de déposer quelques exemplaires du livre. Réponse négative du libraire au titre que "Les nouvelles, ça ne se vend pas". Argument complémentaire : "Vous m'auriez proposé un roman qui se déroule dans la région, je vous l'aurais pris." Fin de l'anecdote.
"La nouvelle, ça ne se vend pas" ! A vrai dire, je n'en sais rien, mais libraires et éditeurs ont l'air d'accord sur ce constat. Et pourtant ! Par sa concentration même, une nouvelle peut dire autant, voire plus, de choses que certains romans. Ce ne sont pas les exemples qui manquent de Maupassant à Buzzati ou à Borgès pour ne prendre que des maîtres du genre (et j'en oublie certainement).
Un exemple concret. Pas tout à fait récent. Paru en 2000 en Grande-Bretagne. Traduit chez Belfond en 2001. Trouvable en édition de poche chez 10/18 sous le titre Ailleurs en ce pays : 3 nouvelles de Colum McCann dont la première (qui donne également son titre à l'ensemble) se développe sur à peine 12 pages. L'Irlande, un père, sa fille, un cheval en danger, coincé dans une rivière en crue, des soldats. Rien n'est dit mais tout est dit de la violence des rapports sociaux, de la haine qui oppose Irlandais et Britanniques. Une violence qui ne se manifeste pas de manière physique mais par des regards, des silences, des attitudes. En même pas un quart d'heure, vous avez lu la nouvelle, mais elle vous a dit beaucoup de choses et elle vous hante, ne vous lâche plus.
Deux autres nouvelles suivent ce récit : Le Bois et Une Grève de la faim. Les trois réunies dressent un portrait impitoyable de l'Irlande sous l'ère Thatcher. Je ne sais pas s'il existe un roman qui ait cette force car ici toute l'intensisté est justement dans la concision, le non-dit, l'allusion.
Evidemment, toutes les nouvelles n'ont pas cette puissance, mais il existe tant d'insipides romans !...