TIMBUKTU
Que dire de ce film ? Sinon que, comme toutes les grandes oeuvres, il allie ce que l'on a coutume d'appeler le fond et la forme.
Le fond : Le Nord du Mali en 2012. La cité millénaire de Tombouctou occupée par les djihadistes qui y font régner une terreur aussi absurde que cruelle.
La forme : Abderrahmane Sissako a eu l'idée d'imbriquer le destin d'une harmonieuse famille touarègue dont la vie bascule à la suite d'un meurtre à des séquences montrant la vie quotidienne dans la ville sous le contrôle des fous d'Allah.
Et ça donne des images d'une force, d'une cruauté d'autant plus impitoyables que la caméra est plus dans la suggestion que dans la démonstration.
Des images, également, d'une sérénité bafouée, d'une beauté déchirante et déchirée, parfois d'un humour aussi noir que les desseins des occupants. Ah ! Ce match de football sans ballon !
Sous une apparence lumineuse le film est complexe. D'où viennent ces djihadistes dont certains parlent en arabe, d'autres en bambara, d'autres encore en tamasheq, quand ce n'est pas en français ou en anglais ? D'où viennent-ils, ces combattants qui ne se comprennent pas entre eux, même leur arabe n'est pas le même ? Qui sont-ils ? Quelle cause défendent-ils ? Le savent-ils eux-mêmes ? Eux qui interdisent le football mais se disputent à propos de Zidane et de Messi, du PSG et du Barça. Eux qui condamnent la cigarette mais de cachant pour fumer. Eux qui veulent que les femmes se voilent, portent chaussettes et gants mais les convoitent en secret. Eux qui n'ont qu'Allah à la bouche et la Kalashnikov à la main.
C'est toute la question de la religion, de toute religion, de toute intolérance, que soulève ce film, mais aussi celles de la fatalité qui annihile toute rébellion, de la liberté, de la vie, de ce qu'on veut en faire. Questions on ne peut plus actuelles là-bas, comme ici. Comme partout.
Et tout cela dans une forme qui fait de Timbuktu un poème d'une terrible beauté.
Un poème à voir. Absolument.